Mon atelier :
Un atelier d’artiste est toujours un lieu singulier. Qu’y trouve-t’on? Qu’y fait-on? Comment? et pourquoi?
Aujourd’hui, dans le monde des business man de l’art contemporain, un atelier d’artiste est un espace immaculé truffé d’ordinateurs et de collaborateurs. Bien sur, la collaboration n’est pas une nouveauté. Les ateliers de la renaissance étaient de vrais lieu d’apprentissage, de collaboration, mais aussi et surtout de vrais lieux culturels. Combien d’ateliers d’artistes s’ouvrent aujourd’hui au public? Peu voire pas! La faute à la peur d’être spolié? Passons…
J’en arrive au mien. Mon atelier est tout sauf immaculé. Niché au sous sol d’une villa en meulière quand on y entre, on est directement plongé dans une atmosphère qui sent un mélange de renfermé, d’huile et d’essence de térébenthine.
Cet atelier, (que je m’oblige à ranger à peu près une fois par an) est un lieu jonché de cadavres de tubes de couleurs, de pinceaux durcis, de débris de toiles, d’œuvres encore en séchage et d’œuvres sèches entreposées comme je peux, de pots vides souillés, de chiffons tachés. Mon atelier, c’est 34 m2 sous 1 m 95 de plafond (ce qui me pose parfois des problème de format). Trois fenêtres bancales, des tuyaux d’arrivée d’eau et de gaz qui filent sur les murs.
Voilà 6 ans que je m’y rend de façon irrégulière. Pour y faire quoi? Y peindre la plupart du temps, mais il peut arriver d’y entrer avec l’objectif d’y peindre et en repartir au bout de 5 minutes parce que ce jour là on ne le sent pas. De la même façon, je peux y entrer pour ranger et me retrouver à peindre et ne rien ranger du tout.
Mon atelier, c’est un lieu de solitude. Une solitude que j’appelle de mes vœux parfois, que je redoute à d’autres moments. Une solitude religieuse, méditative, colérique, déçue.
Colérique et déçue, pare qu’il me faut être honnête et sincère : en atelier on rate beaucoup. Tous les artistes ratent. Même les grands maitres calligraphes Japonais et Chinois du 15 -ème siècle rataient. Ils parvenaient à une pureté de trait relative à un âge avancé. Rater est un processus nécessaire qui pourtant est douloureux tant il génère le doute. Dans mon atelier, j’ai détruit, déchiré, cassé des dizaines de toiles. J’y ai passé souvent des heures pour pondre une petite toile nulle, sans puissance et sans force, sans équilibre ni cohérence, alors que je peins en public des toiles de 6 mètres en 45 minutes. je me suis vu passer des heures à peindre, et rentrer chez moi vidé de mon contenu en ayant rien sorti de correct. Je n’ai jamais raté une toile en public. Jamais! On rate en atelier, parce que paradoxalement, on s’observe peindre, on réfléchit, on réfléchit beaucoup trop. Et dans ma pratique abstraite lyrique, trop réfléchir, c’est aller droit dans le mur.
Pour créer une œuvre aboutie en atelier, il faut avant tout savoir apprivoiser cette solitude et surtout parvenir à la lire. Suis-je aujourd’hui seul et heureux de l’être? Suis-je seul et mélancolique? Seul et agacé? Seul et serein? On ne peint jamais rien d’autre que ce que l’on est. Il faut donc se connaitre soi-même et se rendre à l’atelier au bon moment.
En public c’est différent. C’est à la fois une création et un spectacle. On a ni le temps ni le besoin de s’observer. le public est en place, le lieu est désigné, la toile vierge est prête, la musique démarre, il faut y aller. Je détaillerai ce genre d’évènement dans une prochaine newsletter.
PHOTOS DE MON ATELIER :